Tout cela finira par des larmes.


(Chez Sizzling Youth, nous vous proposons aujourd'hui un article légèrement schizo, moitié Thomas chronique l'album, moitié Juliet trouve un moyen de parler des Killers alors qu'ils n'ont aucune actualité.)

"It Will All End In Tears". Et pourtant, tout commence avec cette chanson, détestablement séduisante et lancinante. Il y a dans Let’s Go Surfing tout ce qui façonne The Drums : quatre garçons des plages de Floride, high school lovers dans l’âme, exultant une surf pop ensoleillée aux sonorités tellement froides de la cold-wave : un mélange quasi inédit et frais aux paroles candides et presque niaises. Cette vague ni chaude ni froide repérée par les petits futés des franco-nippons de Kitsuné point pourtant au sein du label tout aussi défricheur Moshi Moshi Records (Casiokids, James Yuill, Slow Club) en octobre de l’année dernière via l’EP Summertime!

Un mini-album en soit, sept titres naturellement homogènes qui aspirent à l’insouciance des vacances à la plage (Make You Mine, Submarine) qui se terminent généralement mal pour ton petit coeur à l’image du bouleversant Down By the Water. La blogosphère adhère alors à cette harmonie d’onomatopées ainsi que de multiplications et allongements de voyelles, fatidiquement. Surfant sur la hype, les quatre beaux gosses #tellementlescheveuxlongs #SOgay #unpeunazisurlesbords sortent un deuxième single, I Felt Stupid, tout aussi culcul la praline “I don't know if it's right or wrong / but come sit with me / I want to hear the beat of your heart / if it's good or bad / come be with me / and i'll give you the key to my heart”. Avec l’arrivée des beaux jours, enfin façon de dire, les ricains décident de sortir le format long, l’album sept mois après l’EP.

Éponyme et à la pochette inscrite de toute évidence au concours de la cover la plus laide, le premier album de The Drums s’inscrit logiquement à la suite des prémices du it band. Même formule, même atmosphère, même son oldies, il y a de quoi penser que les morceaux de l’album ont été enregistrés en même temps que l’EP, et nous font ressentir le même sentiment : la désagréable impression que le refrain est sur le point de s’inscrire pour les six prochains mois dans ta tête et que tu es prêt(e) à beugler les mêmes âneries infantiles que l’ami Jonathan. La raison : The Drums livrent tout simplement des pop song efficaces et détestablement appréciables, celles que tu méprises avouer adorer. “I don’t feel sorry when you cry / I don’t believe you when you lie / because your eyes are always saying goodbye”

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La semaine dernière, histoire d'alimenter ma frustration face à l'existence, j'épluchais les reviews du Primavera postées par Pitchfork, et suis à cette occasion tombée sur un parallèle intéressant entre les Brooklynites des Drums et les Vegasians des Killers période Hot Fuss, à savoir leur premier album. J'ai cogité cinq minutes, puis me suis retrouvée une semaine plus tard face aux premiers, qui jouaient en tête d'affiche à la Cigale (rappelons que leur premier album est sorti il y a 4 jours seulement, et que la Cigale demeure une salle de taille honorable). Et pendant que Jonathan Pierce gesticulait sur scène avec une dextérité certaine, la déclaration du journaliste Ryan Dombal m'est réapparue dans toute sa justesse. Les Drums, à l'image des Killers à leurs débuts, veulent être énormes et ne s'en cachent pas. Refrains instantanément mémorables, interaction avec le public, ils ont tout pour plaire et ont aussi dernièrement enregistré une session pour le Sun. Clairement, ils se refusent à devenir l'apanage d'une poignée de happy few indie. Les points communs entre les deux groupes sont nombreux, même troublants: il y a tout d'abord la question des origines, avec chez les deux partis l'omniprésence du religieux dès la petite enfance. Si vous êtes un peu renseignés sur les Killers, il ne vous aura pas échappé que le leader Brandon Flowers est un Mormon pratiquant. Quant à Jonathan Pierce et Jacob Graham, têtes pensantes et membres fondateurs des Drums, ils ne cachent pas avoir grandi dans l'austérité protestante américaine la plus traditionnelle, père pasteur inclu. Dans les deux cas, la passion pour la musique semble avoir été le moyen de s'extraire du carcan religieux, et cette musique libératrice qui les a tant fascinée, c'est précisément la même chez les deux groupes: celle de l'Angleterre des 80s, même plus spécifiquement celle de Morrissey et de Curtis.

Ils partagent aussi cette claire envie de plaire aux foules, de réussir. Et plutôt en Europe que chez soi. N'oublions pas que les Killers étaient à l'époque d'Hot Fuss vendus sur nos terres comme "le plus Anglais des groupes Américains", ce qui annonçaient clairement le programme. Signe révélateur: les Drums ne sortiront pas leur album dans leur pays d'origine avant le mois de septembre. Pour l'instant, la priorité commerciale se situe clairement de ce côté ci de l'Atlantique, tout va bien pour eux et on ne va pas se plaindre. Evidemment, ils ne sont pas exactement les seuls à s'être retrouvés dans cette situation de darlings du NME (publication au demeurant moins prompte à s'enthousiasmer pour des Yankees que pour des Britons) et on peut aussi choisir de voir tout ça comme une simple suite de coïncidences, mais quand même. Dernier détail pas forcément anodin: Jonathan Pierce a su, comme Brandon Flowers avant lui, attirer et retenir l'oeil de photographe de notre Hedi Slimane national. Les Drums me semblent avoir le potentiel nécessaire pour devenir gros, très gros. Il se produiront dans moins d'un mois sur la scène principale des Eurockéennes de Belfort, et ce qui peut de premier abord passer pour une bizarrerie de programmation se trouve justifiée quand on devient témoin de la ferveur que peut déclencher un titre comme Let's Go Surfing en live. Pour ce qui est de leur premier album, je le trouve extrêmement plaisant, mais aussi inégal sur la longueur. Précisément comme Hot Fuss.

Je propose donc que nous en reparlions dans 5 ans, quand Jonathan se mettra lui aussi à porter des plumes de paon en guise d'épaulettes.


3 commentaires:

Margaux | 11 juin 2010 à 14:19

Vous avez raison. Cela a fini par des larmes, les miennes. Mes larmes en lisant vos comparaisons tellement profondes avec Brandon Flowers que j'adore. Des larmes de joie d'avoir enfin trouvé un blog à la hauteur de mes attentes. Pour cela, merci.

My eyes won't say goodbye anymore.

M.

Félix | 11 juin 2010 à 17:59

Didonc ils sont doués les collègues.

Cassius | 11 juin 2010 à 21:50

Voilà pourquoi il fallait miser gros sur SY. C'est bien écrit, clair, documenté et intéressant. Big up.

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